Radio libre
La déclaration de guerre trouve Maurice de Cheveigné, 19 ans, ouvrier chez Berliet à Aubervilliers. En 1940 sur les routes de l’exode, il comprend qu’il n’y a qu’une solution : n’accepter ni le statu quo ni la collaboration. Commence alors le récit palpitant de son passage par l’Espagne – et les prisons de Franco – pour rejoindre l’Angleterre où il séjournera afin de préparer ses missions en France pour le BCRA. De là des portraits savoureux de ses camarades anglais et français, puis le récit de son rôle comme radio, si nécessaire à la transmission des informations et donc à la protection des résistants. Il est alors attaché sans le savoir à l’organisation de Jean Moulin. Enfin l’effrayant récit de sa déportation le 1er septembre 1944 au camp de Sachsenhausen qui en reste à ce jour l’une des descriptions les plus terribles. Maurice de Cheveigné avait rédigé, une quinzaine d’années avant sa mort, en 1992, des mémoires intitulés : « Radio libre ». Ils évoquaient de façon sensible nos activités, et notre amitié à Lyon en 1942 et 1943. Ces remarquables Mémoires, plus proches de la vérité que les écrits « des grands témoins » de la Résistance, n’ont intéressé, hélas, aucun éditeur. Daniel Cordier, De l’Histoire à l’histoire. L’espèce de gaité charnelle qui affleure des gestes de Cheveigné, sa démarche féline, son charme juvénile, sont un barrage au raz de marée nostalgique dont je suis coutumier. Dès notre première rencontre, au printemps de 1942, j’avais perçu que sa désinvolture n’était pas de la frivolité, mais une sécurité : son sourire est une défense ; il tient à distance un désespoir secret installé au cœur de sa vie. A-t-il jamais pleuré ? Daniel Cordier, Alias Caracalla.