Martin Luther King Jr.

Martin Luther King Jr.

Un homme et son rêve
Paru le 21 février 2008
ISBN : 978-286645-666+5
Livre en librairie au prix de 12 €
368 pages
Collection : Le Félin Poche
Thèmes : Arts / esthétique
Avant-propos


Cette biographie commence par la fin. Tout le monde connaît la fin… C’est un parti pris. Un refus de revenir sur l’assassinat de Martin Luther King Jr. Un prochain livre traitera de la violence politique aux États-Unis dans les années soixante, précisément entre 1955 et 1971, du début du mouvement des droits civiques à la découverte par quelques étudiants de l’université Swarthmore, le 8 mars 1971, de documents secrets du FBI indiquant l’existence de programmes d’espionnage domestique compromettant gravement les libertés… Paranoïaque gardien des valeurs de la classe dominante, le FBI n’a probablement pas tué Martin Luther King mais il est certainement responsable de l’atmosphère de violence qui s’est progressivement installée autour du personnage; violence psychologique pour casser un homme, le porte-parole du mouvement des droits civiques ; violence physique aggravée par une quantité d’informations distillées par le Bureau à la presse. Par exemple, le 3 avril 1968, l’adresse de son hôtel à Memphis ainsi que le numéro de sa chambre: Lorraine Motel, chambre 308.
Cet ouvrage retrace la courte et formidable vie d’un arrière petit-fils d’esclave devenu l’incarnation de Moïse pour de nombreux Noirs du Sud des États-Unis durant la seconde moitié du xxe siècle. Moïse avait conduit son peuple hors d’Israël, King l’a conduit hors de l’invisibilité. Après la bataille de Montgomery, après celle d’Albany puis de Birmingham et de Saint Augustine, après Selma et Chicago, le pouvoir blanc a dû accorder aux Noirs l’égalité des droits, la société américaine a dû prendre conscience de leur présence, d’égal à égal. Le mouvement des droits civiques a vaincu l’ignorance, le racisme et la répression; il ne les a pas fait disparaître.
King bien entendu n’a pas créé seul ce mouvement mais il a su en devenir le porte-parole en qui toutes les composantes, de la gauche syndicale aux avocats en passant par les étudiants, ont eu confiance durant près de dix ans, de 1955 à 1965. Il a su en devenir le leader légitime par ses racines, à cause de son sens de la négociation et de son désir de convaincre, par son optimisme fondamental à propos de la nature humaine. Et lorsque la violence a eu raison de l’optimisme de son caractère, King, de leader moral, s’est transformé en leader politique. De 1965 à 1968, il tâtonne sur les voies de la réforme et peut-être bien de la révolution qui gronde. Il dit non à la guerre du Vietnam, combat pour le respect des droits économiques et sociaux des pauvres de la nation américaine, de tous les pauvres, Chicanos, Amérindiens, Porto-Ricains, se laisse séduire un temps par une hypothétique candidature à la présidentielle de novembre 1968 puis y renonce. Après son assassinat, plus rien ne peut empêcher une partie de la jeunesse noire des ghettos de se radicaliser et de rejoindre les organisations nationalistes et révolutionnaires nées du Black Power de Stokely Carmichael, l’un des compagnons du mouvement des droits civiques depuis 1961 et notamment le Black Panther Party.
Cet ouvrage retrace, à travers King, l’histoire du plus important mouvement social que les États-Unis ont connu au xxe siècle. Il n’y en a pas eu d’aussi puissant avant, il n’y en aura pas d’aussi puissant après. Il s’agit d’une épopée largement méconnue de ce côté-ci de l’Atlantique, à tel point que les livres consacrés à cette histoire – et ils sont légion aux États-Unis – sont rarement traduits en français. Peut-être parce que nous avons du mal à comprendre que d’un mouvement à forte connotation religieuse puisse sortir une libération…










Prologue


Avez-vous entendu Sa voix? Sur les trottoirs de Harlem, des vendeurs de rue la glissent dans un sac en papier pour quelques dollars, le prix d’une cassette piratée. Elle est tout en douceur et fermeté, vibrante. Elle accompagne l’âme, s’insinue en elle, la provoque et l’épouse. Sa voix, qui reflète le cœur et la raison, devient conscience. Ce 4 avril 1967, dans une église new-yorkaise, elle évoque le danger qui pèse sur l’Amérique engluée dans le bourbier vietnamien et souligne les contradictions majeures d’une démocratie qui peine à faire respecter les droits élémentaires de chacun de ses citoyens sans distinction de couleur.
Les bombes explosent, le napalm gicle sur les villages du Nord-Vietnam et les populations martyrisées rejoignent l’oncle Ho et le Vietcong. Les GI’s noirs opprimés dans leur propre pays se transforment en oppresseurs. «Je ne pouvais garder le silence devant une si cruelle manipulation des pauvres 1.» La guerre en Asie du Sud-Est menace le combat pour l’égalité des droits. Son coût exorbitant obère le programme de lutte contre la pauvreté mis en place par l’administration Johnson en 1965. «Puis est venue l’intensification de la guerre du Vietnam et j’ai vu ces programmes démantelés, éviscérés comme s’il s’agissait de quelque jouet politique pour une société à laquelle la guerre avait fait perdre la raison. Et j’ai su que l’Amérique n’investirait jamais ni les sommes ni l’énergie nécessaire au sauvetage de ses pauvres aussi longtemps que des aventures comme celle du Vietnam continueraient d’engloutir des hommes, des talents et des fonds comme quelque bouche démoniaque et destructrice à l’extrémité d’un tuyau d’aspiration. Aussi ai-je été de plus en plus conduit à considérer la guerre comme l’ennemie des pauvres et à l’attaquer comme telle.»
Comment dans ces circonstances d’extrême brutalité oser encore parler de non-violence aux groupes de jeunes révoltés qui se répandent dans les ghettos? Watts à l’été 1965, Chicago à l’été 1966 et quarante-deux autres durant l’année 1. «Je savais que je ne pourrais jamais plus élever la voix contre l’usage de la violence par les opprimés dans les ghettos sans avoir d’abord pris clairement position sur la plus grande source de violence qui existe dans le monde actuel – mon propre gouvernement.» Comment un prix Nobel de la paix pourrait-il se taire devant un tel déluge de feu et faire passer son sentiment national avant les intérêts de la fraternité humaine? Comment un chrétien pourrait-il oublier sa foi? «Cette vocation de l’amour filial et fraternel se situe au-delà de l’appel de la grâce, de la nation ou de la religion. Et parce que le Père, j’en suis convaincu, se soucie profondément et spécialement de ses enfants endoloris, désemparés et rejetés, je suis venu ce soir vous parler pour eux 1.»
Dans un an, jour pour jour, à Memphis, Tennessee, 18 h 8 heure locale, cette voix se brisera sur le balcon d’une chambre d’hôtel. Une unique balle tirée en plein visage la fera taire. Mort quasi instantanée. Et Martin Luther King Jr., au fil des années, deviendra une icône, un portrait accroché aux murs, une effigie déclinée sur des assiettes, des tasses et des blocs-notes, un panneau dans Harlem «Martin Luther King Jr Boulevard», un jour férié octroyé en 1982 par Ronald Reagan, une référence pour une Amérique prétendument unie. Mais le mythe a un prix: l’oubli volontaire des discours qui fâchent, celui du 4 avril 1967 par exemple; la mise sous le boisseau des engagements politiques radicaux, contre l’impérialisme de l’oncle Sam, en faveur d’une transformation de la politique économique du pays.
L’homme que l’Amérique honore rituellement chaque 15 janvier est le King du 28 août 1963, celui qui rêvait d’une démocratie biraciale pour laquelle est né le mouvement des droits civiques dans le Sud, sept ans plus tôt, et qui acquiert ce jour-là une stature internationale. L’autre King, chahuté par ses pairs et par les jeunes du mouvement à partir de 1965, pourfendeur des inégalités et de la pauvreté, socialiste, a disparu de l’histoire officielle. Trop radical pour l’Amérique blanche et la bourgeoisie noire, trop réformiste pour les nationalistes révolutionnaires du Black Power en train de poindre.
Comment le rejeton d’une famille de la bourgeoisie baptiste noire d’Atlanta, aimant les beaux costumes et les jolies filles, a-t-il pu devenir le porte-parole du dernier grand mouvement de masse de l’histoire contemporaine américaine? Quand a-t-il commencé sa quête inachevée? Est-ce lui qui a façonné le mouvement ou le mouvement qui l’a façonné?

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Je rêve qu’un jour, sur les rouges collines de Georgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve…

Ce rêve d’un monde délivré des démons du racisme, le pasteur Martin Luther King, arrière-petit-fils d’esclave, l’a porté jusqu’à son dernier souffle. Le 4 avril 1968, une balle met fin à son combat pour les droits civiques. Il n’a pas quarante ans. La biographie de Marie Agnès Combesque ne retrace pas seulement l’histoire d’un homme, porté par une foi profonde, au discours inspiré, devenu l’homme à abattre pour le FBI qui le traita comme un « ennemi de l’État ». C’est aussi le récit du plus grand mouvement politique et social que l’Amérique ait connu au xxe siècle. En 1964, le président L.B. Johnson signe le Civil Rights Act, qui rend illégale la ségrégation aux États-Unis, et en 1965 les Noirs américains obtiennent enfin le droit de vote. Mais pour obtenir cette victoire, il aura fallu vaincre la résistance du Sud raciste et de l’État fédéral, subir la terreur des attentats terroristes qui jalonnent une lutte pour l’égalité que Martin Luther King voulait animée par l’idéologie de la non-violence. L’histoire d’un rêve, et l’exemple d’un engagement qui suscite respect et admiration.

Journaliste, écrivain, enseignante, Marie Agnès Combesque a fait de nombreux voyages aux États-Unis. Elle a publié plusieurs ouvrages dont Mythologies américaines, Éditions du Félin, 1996, et Ça suffit ! Histoire du mouvement des chômeurs, Plon, 1998.

Revue de presse