Qui est dandy ? Baudelaire, l'ascète méticuleux sautillant sur les pavés boueux de Namur ou Baudelaire l'excentrique aux cheveux verts ? Alcibiade l'antique ou David Bowie le moderne ? Lauzun, le cruel don Juan ? Brummell, le bel indifférent ? Barbey d'Aurevilly, le galant misogyne ? Oscar Wilde, l'homosexuel scandaleux animé d'une passion fatale ? Impossible réponse. Les dandys forment une caste exclusive et imaginaire aux "lois rigoureuses" et informelles, échappant aux institutions, aux classifications et aux définitions.
Ces hommes de paradoxe ont en commun le souci constant de la distinction. Ils cultivent leur singularité en s'élevant et en s'opposant. Vulnérables, ils se cachent et s'exhibent derrière des masques multiples. Orgueilleux, ils imposent, en souverains absolus, l'arbitraire de leur caprice, ils pratiquent l'art de surprendre et de déplaire. Les sociétés usées et perverties se disputent les honneurs et les déshonneurs de ces "amusantes pestes" qui se révêlent tour à tour d'une politesse exquise et d'une odieuse inconvenance.
Eternels révoltés, les dandys se manifestent en s'opposant aux ordres anciens et aux ordres nouveaux, à la tradition aristocratique et au progrès. Mais leurs transgressions sont inoffensives car le dandy a besoin des règles qu'il bouscule comme il a besoin des hommes qu'il méprise. Il ne veut pas changer le monde, il veut simplement imposer aux autres sa "grandeur sans convictions".