Histoire(s) de la gastronomie (volume 2)
Extrait
Chapitre I
L’alimentation pendant le 1er siège de Paris (19 septembre 1870-28 janvier 1871)
Aux chats, aux chiens et aux rats s’ajoutent bientôt les oiseaux et les animaux de jardin. Un marché spécialisé s’organise sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Des membres de l’Académie des sciences s’y réunissent pour une dégustation à l’aveugle : la viande de rat est jugée la meilleure. Des marchands de rongeurs montent aussitôt des étalages improvisés dans les rues de Paris. Dans L’Histoire à table. Si la cuisine m’était contée…, l’historien André Castelot précise :
"Heureusement, si on l’achetait vivant, on ne devait pas le tuer soi-même. On le poussait seulement au moyen d’une baguette vers une cage où se trouvait un bouledogue qui l’étranglait".
Selon le cuisinier Thomas-Gabriel Génin, le rat, s’il est répugnant à toucher, donne une viande d’une formidable qualité de chair, fine, mais un peu fade ; bien assaisonnée, elle est parfaite. Dans sa rubrique culinaire, Le Temps recommande de « soumettre cette viande à une cuisson prolongée pour en détruire les germes nocifs », mais les « gourmets » n’en tiennent aucun compte. Lorsque l’animal a été bien nourri, la chair est délicieuse. Elle a un petit goût musqué qui n’est pas désagréable, disent-ils. Grillé sur un feu de débris de futailles ou de sarments après l’avoir vidé et écorché, puis recouvert d’une très légère couche d’huile et de beaucoup d’échalotes grossièrement hachées. Dans Une Histoire de la cuisine française, l’historien Christian Guy rapporte que Thomas-Gabriel Génin en proposait la version suivante : « J’ai servi des rats grillés comme du pigeon à la crapaudine, mais le plus souvent en terrine, avec une farce de chair et de graisse d’âne. J’appelais cela Terrine de rats à la Parisienne. Mais c’est chez le chef Alexandre Choron au célèbre Café Voisin qu’on déguste la meilleure, une terrine de rats aux pistaches, fine champagne, accompagnée d’une salade de cresson… »
En fait, écrivent Georges et Germaine Blond dans leur Histoire pittoresque de notre Alimentation :
"Ce qui suivit ne peut être appelé disette, car, s’il est vrai que beaucoup de pauvres gens souffrirent de la faim, ce fut surtout par suite de l’impéritie, du désordre et de l’esprit de lucre. La vérité est que l’argent procurait tout. Les chiens, les chats et les rats que des misérables mangèrent furent multipliés par des historiens désireux de brosser après coup des tableaux horrifiants. L’investissement de la ville n’était nullement étanche. Des vivres passaient, mais ceux qui les apportaient voulaient faire fortune."
Les oiseaux représentent une alternative plus convenable pour la bourgeoisie pétrie de honte à l’idée de manger de ce suburbain rongeur. Les canards, cygnes et oies sont les plus agréables. Ils ressemblent à leurs cousins de la campagne et sont assez faciles à capturer. On se contente aussi de grives ou de merles, qui doivent être écorchés et vidés au préalable. Corbeaux, pies et geais sont nécrophages, mais qu’importe une terrine cache souvent bien des vices. Sansonnets et étourneaux ne sont pas excellents. Le pigeon quant à lui peut toujours s’accommoder en salmis.
Après avoir convaincu les meilleures tables (des libraires) avec le premier volume de ses Histoire(s) de la gastronomie consacré au XIXe, Éric Glatre nous invite à poursuivre son savoureux voyage en découvrant 20 moments clés qui révolutionnèrent la cuisine au XXe siècle.
Mangeait-on mieux sur le Titanic, chez Maxim’s ou dans les routiers de la Nationale 7 ? Les Mères lyonnaises cuisinaient-elles mieux qu’Auguste Escoffier ou Prosper Montagné ? Quels sont les meilleurs livres de cuisine de tous les temps? Les plus grands gastronomes? Les meilleures brasseries? Vous trouverez toutes les réponses, et bien plus, dans l’univers exquis et épicé de ce nouveau volume des Histoire(s) de la Gastronomie. Préparez-vous à un festin littéraire qui vous fera saliver d’envie !