La Grandeur sans convictions
Qui est dandy ? La réponse n’est pas simple. Est dandy celui qui se pare de discrétion comme celui qui affiche ses couleurs ; celui qui aime le luxe comme celui qui le dédaigne ; celui qui agit comme celui qui paresse. Le dandy est l’homme aux mille visages qui n’est jamais là où on l’attend. En dépit de leur infinie diversité, les dandys appartiennent tous une même famille, froide et exclusive, dont chaque membre est animé de la volonté de s’opposer, de se distinguer et de s’élever en faisant, à tout instant, œuvre de beauté.
Né au XIXe siècle, le dandy est de tous les temps. Au plus lointain de ses origines, Alcibiade, le disciple de Socrate, pratiquait déjà le plaisir aristocratique de déplaire : il étalait ses fastueuses robes de pourpre, et coupait la queue de ses plus beaux chiens. Ces scandaleuses fantaisies trouvent leur écho chez Brummell, Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, Oscar Wilde, et, plus près de nous, chez Karl Lagerfeld, Serge Gainsbourg, David Bowie et bien d’autres dandys célèbres ou anonymes.
En ce siècle d’uniformisation massive, il est réjouissant de voir se prolonger la lignée de ces singuliers rebelles, de ces hommes qui, dit Baudelaire, représentent « ce qu’il y a de meilleur dans l’orgueil humain »