Kant et Spinoza. Rencontre paradoxale
Il est rare de voir accolé le nom de Spinoza à celui de Kant : un grand nombre de commentateurs, spinozistes comme kantiens, soutiennent qu’il n’existerait entre les deux penseurs aucune base de comparaison systématique possible, et Kant lui-même, contraint de se laver du soupçon de spinozisme, s’étonnait que l’on ait pu trouver que « la Critique de la raison pure apportait de l’eau au moulin du spinozisme ». C’est pourtant ce à quoi Carl Bolduc s’engage dans une belle analyse tournant autour de la fameuse querelle du panthéisme et de celle du nihilisme qui ont traversé le XVIIIe siècle et ses conséquences au début du XIXe siècle. Précurseur et propagateur de l’avènement des Lumières allemandes – Aufklärung –, Spinoza apparaît comme le champion de l’athéisme et l’adversaire résolu de la religion historique et de la tradition superstitieuse, à tel point d’ascendance que sa philosophie, qui ne pouvait être ignorée de Kant, prépare et imprègne toutes les dimensions du système critique de Kant. Ce livre nous conduit à nous interroger sur l’exposition publique des positionnements philosophiques, religieux et politiques de Kant liés à sa stratégie du « secret », de ce que Leo Strauss appellera « l’art d’écrire sous la persécution », qui ne peut se comprendre qu’en relation avec un contexte intellectuel et historique spécifique et qui détermine l’interprétation très particulière par laquelle Kant reconstruit la pensée de Spinoza de manière à exorciser son propre spinozisme. L’auteur examine trois problèmes philosophiques communs touchant la liberté de philosopher, le rapport entre la religion et la morale, et l’herméneutique biblique, qui organisent la philosophie de Kant et de Spinoza et marquent leur rencontre paradoxale
Carl R. Bolduc, né à Montréal, enseigne la philosophie. Ses travaux portent principalement sur la philosophie de Spinoza. Il est notamment l’auteur d’une thèse publiée aux Éditions Olms, dans la collection Europaea Memoria, sous le titre Spinoza et l’approche éthique du problème de la libération. Critique du théologico-politique (2009). Il prépare un ouvrage sur le rationalisme chez Spinoza et Maïmonide.