Exercice en christianisme
Indøvelse i Christendom [Exercice en Christianisme] paraît en 1850. Publié sous le nom d’Anti-Climacus, c’est le dernier grand livre pseudonyme de Kierkegaard et peut-être le moins lu. Rassemblant trois grandes méditations autour de la Parole, il constitue pourtant, à de nombreux points de vue, l’achèvement d’une production particulièrement prolifique, extraordinairement diversifiée et déroutante. Achèvement, d’abord, d’une longue réflexion sur le « devenir chrétien » qui trouve ici son expression la plus intransigeante, la plus acérée, parfois la plus violente : écrit par un pseudonyme « supérieur », c’est-à-dire supérieur à Kierkegaard lui-même, « chrétien au plus haut degré » ou représentant de l’idéalité du christianisme, ce livre n’est pourtant rien de théologique et si l’on voulait y voir par ailleurs une apologie du christianisme, c’en serait une forme bien particulière, luttant contre toute défense émolliente qui en affaiblirait la difficulté, stigmatisant la trahison par la religion instituée du scandale essentiel qu’il représente pour l’esprit, renvoyant brutalement le croyant au Modèle paradoxal et souffrant et à la solitude vertigineuse de la décision de croire. Mais c’est aussi l’achèvement d’une philosophie qui s’est inlassablement employée à faire ressurgir le fait, la structure et la tâche de la subjectivité existante contre toute tentative de dilution ou de dépassement dans le « Système », produisant à vif des catégories, découvrant des structures (contradiction, situation, compréhension, contemporanéité) et une théorie de la vérité qui marquera le XXème siècle. Enfin, ce livre constitue, et notamment par le dernier état d’une réflexion continue sur la communication, une forme de point final à une stratégie d’écriture philosophique totalement inédite, qui a vu s’entrelacer écriture pseudonyme et écriture autonyme et se bâtir une pratique discursive à la fois multiple et cohérente, bousculant les frontières entre philosophie, littérature et langage religieux, que réclamait un « objet », le fait d’exister, irréductible au Concept et au discours philosophique traditionnel. Par le truchement d’Anti-Climacus et de son rapport à tous les auteurs qui se rassemblent sous le nom de Kierkegaard, le philosophe trouvait, définitivement, sa voix.
Soren Kierkegaard (1813-1855) est l’un des grands penseurs du XIXe siècle, polémiste théologien, philosophe, son écriture est d’une grande singularité. Il est à l’origine de ce que l’on a appelé l’existentialisme et son rôle a été également considérable dans la théologie et la littérature.
Le traducteur
Vincent Delecroix, né en 1969. Ancien élève de l’École normale supérieure d’Ulm. Agrégé de philosophie, docteur en philosophie, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Maître de conférences en philosophie de la religion à l’École pratique des hautes études. Il publie aussi des romans et nouvelles chez Actes Sud et Gallimard : À la porte (Gallimard, 2004), La Preuve de l’existence (Actes Sud, 2004), Retour à Bruxelles (Actes Sud, 2003)
traduction de Vincent Delecroix